Le Canada et la Corée du Sud ont convenu de coopérer sur les chaînes d'approvisionnement en minéraux critiques nécessaires aux véhicules électriques au moment où ces deux pays s'efforcent de renforcer leurs liens économiques et de réduire leur dépendance envers la Chine.
La Chine demeure un grand joueur dans l'économie mondiale
, a déclaré le premier ministre Justin Trudeau, mercredi à Séoul, lors d'une conférence de presse commune avec le président sud-coréen, Yoon Suk-yeol.
Il y a des questions, comme les changements climatiques, où on va travailler avec la Chine, comme on l'a fait à la COP15 à Montréal. Il y a des domaines où on va concurrencer la Chine pour des parts de marché dans le commerce international
, a-t-il poursuivi.
«Nous devons savoir où nous allons concurrencer la Chine sur le plan économique et où nous devons défier la Chine sur les droits de la personne et d'autres questions. C'est quelque chose que nous continuerons à faire tous les deux d'une manière qui ait du sens pour nos pays et pour nos situations respectives.»
Le premier ministre Trudeau, qui en est à sa première visite officielle en Corée du Sud, a signé un protocole d'entente sur les minéraux critiques, sur la transition vers des énergies propres et sur la sécurité énergétique qui, selon lui, signifiera davantage d'investissements et de commerce pour le Canada.
Ottawa a de plus en plus focalisé son attention et ses ressources sur le renforcement de son secteur des minéraux critiques, en partie pour construire une chaîne d'approvisionnement plus robuste pour fabriquer des biens comme des batteries de véhicules électriques.
Et cette coopération accrue avec la Corée du Sud survient alors que les pays du G7 discutent de plus en plus du concept d'économie d'affinité
.
La semaine dernière, la ministre des Finances, Chrystia Freeland, a rencontré d'autres homologues du G7 et a déclaré avoir discuté de la manière d'accroître la coopération entre les pays qui ont les mêmes valeurs.
Il s'agirait de différencier nos économies pour rendre nos chaînes d'approvisionnement plus résilientes et pour créer de bons emplois à l'intention des gens du Canada et du monde
, a-t-elle déclaré lors d'une conférence de presse vendredi dernier, plus précisément [en] travaillant ensemble pour répondre à la coercition économique des régimes autoritaires
, a-t-elle ajouté.
Règles
contre coercition économique
Le Canada et la Corée du Sud ont tous deux publié leurs stratégies indo-pacifiques respectives au cours de la dernière année, qui fournissent des feuilles de route pour renforcer les relations militaires et économiques dans la région afin de contrebalancer l'influence de Pékin.
Cependant, alors même que les pays occidentaux et leurs alliés se sentent de plus en plus menacés par la Chine, ils semblent rester prudents dans leurs propos au sujet de ce pays.
La Chine a qualifié d'hypocrites les affirmations des États-Unis et d'autres pays du G7 selon lesquelles ils préservent un ordre international fondé sur des règles
contre la coercition économique
de Pékin et envers d'autres menaces. La Chine elle-même est victime de coercition économique, a déclaré vendredi le porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères, Wang Wenbin.
Si un pays doit être critiqué pour sa coercition économique, ce devrait être les États-Unis. Les États-Unis ont abusé du concept de sécurité nationale, abusé des contrôles à l'exportation et institué des mesures discriminatoires et injustes contre les entreprises étrangères
, a déclaré M.Wang lors d'une conférence de presse de routine, selon une traduction anglaise officielle.
Le défi de la concurrence américaine
Alors que le gouvernement libéral qualifie la visite en Corée du Sud de succès, Ottawa est actuellement en litige avec le constructeur automobile Stellantis, qui a interrompu la construction d'une usine de batteries de véhicules électriques à Windsor, en Ontario, en partenariat avec le fabricant de batteries sud-coréen LG Energy Solution.
Cette suspension des travaux illustre les problèmes avec lesquels le gouvernement fédéral est aux prises alors qu'il trace la voie vers une économie verte en concurrençant d'autres pays, nommément les États-Unis, dans le domaine des subventions.
Les deux entreprises ont transmis une lettre conjointe à M.Trudeau le mois dernier, lorsque Volkswagen a annoncé qu'elle avait conclu un accord pour construire une usine de batteries à St.Thomas, en Ontario. En vertu de cet accord, le Canada offrait une contribution en capital de700millions de dollars et de8 à13milliards en subventions à la production dans le but d'égaler ce que Volkswagen obtiendrait aux États-Unis en crédits d'impôt à la production en vertu de la loi sur la réduction de l'inflation
de l'administration de Joe Biden.
Le gouvernement canadien a déclaré qu'il négociait avec Stellantis mais qu'il souhaitait que l'Ontario contribue davantage que les500 millions de dollars en coûts d'investissement que le gouvernement de Doug Ford a mis sur la table jusqu'ici.
M.Trudeau n'avait pas grand-chose à ajouter lorsqu'il a été questionné à ce sujet à Séoul. Le Canada a réussi à créer d'excellents emplois pour la classe moyenne partout au pays grâce aux investissements de partenaires du monde entier. Nous continuerons à le faire
, a-t-il soutenu.
Justin Trudeau prononce un discours devant l'Assemblée nationale en Corée du Sud.
Photo:La Presse canadienne / Adrian Wyld
Mobilité des jeunes etCorée duNord
M. Trudeau a aussi conclu un nouvel accord sur la mobilité des jeunes avec un quota annuel de 12000personnes qui, selon lui, offrira de nouvelles occasions aux jeunes de travailler dans les deux pays.
«Nous accueillons chaque année des milliers d'étudiants coréens dans nos universités et, maintenant, nous voulons en faire encore plus.»
Le Canada et la Corée du Sud se sont également engagés à travailler ensemble pour faire progresser les droits de la personne en Corée du Nord. M.Trudeau a indiqué que le gouvernement continuera de soutenir les organismes de défense des droits de la personne.
Nous continuons de déplorer les activités militaires constantes, y compris les essais de missiles nucléaires par la Corée du Nord, qui non seulement déstabilisent la région mais aussi qui menacent la sécurité du monde entier
, a-t-il affirmé à Séoul.
Il a rappelé ce que fait le Canada pour faire appliquer les sanctions maritimes contre la Corée du Nord dans le cadre de l'opération NEON.
Incertitude
et pays antagonistes
Justin Trudeau a déposé une gerbe de fleurs pour honorer les contributions du Canada lors de la guerre de Corée.
Photo:The Canadian Press / Adrian Wyld
Plus tôt mercredi, M.Trudeau a prononcé un discours devant l'Assemblée nationale de la Corée du Sud, où il a prévenu que l'autoritarisme gagne du terrain dans le monde.
Dans son allocution de23minutes livrée presque uniquement en anglais, le chef du gouvernement canadien a ajouté que les pays antagonistes
profitent de l'interdépendance économique à leur propre avantage géopolitique.
M. Trudeau a déclaré aux parlementaires que le monde est actuellement exposé à de l'incertitude
au moment où les pays se remettent de la pandémie de COVID-19, tandis que l'anxiété économique et le changement climatique ajoutent du stress dans la vie des gens.
Il a soutenu que le Canada et la Corée du Sud peuvent être des partenaires dans la lutte contre les changements climatiques, ce qui, selon lui, est également un moyen de se prémunir contre l'instabilité géopolitique et de bâtir des économies plus résilientes.
Avant de s'envoler pour Hiroshima afin de participer au sommet des dirigeants du G7, M.Trudeau devait assister jeudi à la cérémonie d'ouverture du sentier commémoratif de la bataille de Kapyong. Ce sentier est destiné à honorer les contributions du Canada pendant la guerre de Corée.
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